À l'écoute de la Parole, au service de l'humain

À l’écoute de la Parole, au service de l’humain: le témoignage du frère Didier Boillat op

Frère Didier, comment présenterais-tu ton parcours de vie, ton appel, ton entrée dans l’Ordre ?

Je suis frère Didier Boillat, dominicain. J’ai fait profession religieuse en 1990 dans l’Ordre des frères prêcheurs. J’avais pour désir de donner ma vie pour le Christ, Le suivre, témoigner de Lui dans les différents lieux où je serai envoyé en étant au service du prochain. Donner sa vie, c’est être au service de l’amour de Dieu et de tout autre : le début d’une aventure.

Tu as longuement vécu à Kigali, comme formateur de jeunes frères. Qu’est-ce qui t’a conduit à ce choix ?

Je n’ai pas vraiment choisi. J’ai été envoyé dans le souci de la Mission et du ministère de la Parole de vie et de joie. J’ai vécu au Rwanda une douzaine d’années, de 1990 à 2002 où j’ai fait mes premiers pas dans la vie religieuse et de prêtre. Ce fut la découverte d’une humanité plus grande : mon cœur s’est ouvert.

Y-a-t-il des faits marquants qui sont encore vifs dans ton esprit et qui t’aident à être au service de l’Église et de l’Ordre ?

Ce qui a été marquant dans cette expérience a été la formation de jeunes frères de plusieurs pays et entités dominicaines d’Afrique : l’Ordre est international. J’ai accompagné les premiers pas des novices de plusieurs pays : Rwanda, Burundi, Cameroun, Congo-Brazzaville, Centrafrique, Madagascar.

Tu y as été avant, pendant, puis après le génocide de 1994. Quels souvenirs, quelles douleurs, quelles lumières restent vives en toi ?

Le génocide (1994) m’a profondément marqué dans ma vie humaine et ma foi. En trois mois, il y a eu un million de victimes. J’ai perdu beaucoup d’amis. C’est là que j’ai rencontré la cruauté et la capacité à faire le mal de l’être humain. En ces moments tragiques, j’ai également éprouvé la présence d’un Dieu de miséricorde : Il est resté présent malgré tout.

Qu’as-tu appris, spirituellement, humainement, de la résilience, de la foi et du pardon sur cette terre ?

Dieu est Amour. J’ai voulu moi-même témoigner de la miséricorde de Dieu au milieu de mes frères et sœurs. Ce qui est remarquable est que : la force de vie est toujours plus forte que la force de mort. C’est cette vie que nous partage le Christ Ressuscité.

Cette expérience a approfondi ma foi et mon désir de témoigner de la présence de Dieu. On ne sort jamais indemne d’une telle expérience. Le cœur reste marqué par la souffrance et l’incompréhension. Mais il demeure toujours présent la réalité du Royaume de Dieu, un royaume de justice, de paix et d’amour. La Bonne nouvelle est toujours à annoncer à temps et à contre-temps.

Comment décrirais-tu la vocation particulière de la Mission Catholique de Langue Française à Zurich ? Qu’est-ce qui te touche ou t’interpelle dans la diversité des visages et des origines au sein de la communauté ?

De 2012 à aujourd’hui, je suis présent à la Mission et dans la communauté des frères dominicains de Zürich. J’ai trouvé une grande famille composée de plus 40 nationalités. Une communauté vivante, accueillante. C’est une communauté de foi. En ce lieu marqué par la diversité, j’ai trouvé la vie en abondance. Mon souci comme « pasteur » a été de veiller à l’unité entre les générations, les origines culturelles et les sensibilités religieuses.

Et cette unité se manifeste dans la célébration de l’Eucharistie où chacun peut trouver une nourriture pour sa vie et repartir comme témoin du Christ ressuscité. J’ai pris soin d’accueillir chacun là où il était dans son chemin de foi.

Beaucoup de jeunes, d’étudiants et de jeunes familles rejoignent la Mission : que ressens-tu face à cette présence croissante ? Qu’aimerais-tu dire à ces jeunes et toutes ces personnes qui cherchent sens, foi, espérance dans un monde incertain ?

Cette paroisse de la Sainte-Famille est toujours en évolution, en mouvement. Actuellement, nous percevons de plus en plus de jeunes, d’étudiants, de familles qui viennent se joindre à nous. Il s’agit de les accueillir et d’offrir une place à chacun, à chacune.

Cette communauté de la Sainte-Famille se caractérise par son accueil sans jugement, son dynamisme, sa créativité. La paix et la joie que le Christ Jésus dépose dans notre cœur sont une invitation à les partager entre nous et autour nous et personnes de passages à Zurich.

Nous sommes tous des pèlerins d’espérance et pressés à entrer dans un chemin de dialogue. C’est la rencontre qui est à privilégier toujours et à recommencer : souvenons-nous de Marie et Elizabeth.

Je vais à présent reprendre mon bâton de pèlerin pour aller vers un ailleurs riche des rencontres vécues et célébrées ici à la Mission. C’est le temps du merci et de la reconnaissance : l’aventure continue. Prenons soin les uns des autres.

Interview réalisée par frère lucas Onana op

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